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d’agir avant que les renforts de troupes fussent arrivés à Versailles[1].

Necker fut renvoyé le 11, — le duc d’Artois lui mettant le poing sous le nez au moment où le ministre se rendait à la salle du Conseil des ministres, et le roi, avec sa fourberie ordinaire, feignait ne rien savoir, alors que le renvoi était déjà signé. Necker se soumit, sans mot dire, aux ordres de son maître. Il entra même dans ses plans et sut arranger son départ pour Bruxelles de façon à ne pas soulever le moindre bruit à Versailles.

Paris ne l’apprit que le lendemain, dimanche, le 12, vers midi. On s’attendait déjà à ce renvoi : il devait être le commencement du coup d’État. On se répétait déjà la parole du duc de Broglie qui, avec ses trente mille soldats, massés entre Paris et Versailles, « répondait de Paris », et comme des rumeurs sinistres circulaient dès le matin, concernant les massacres préparés par la Cour, le « tout Paris révolutionnaire » se porta en masse au Palais-Royal. C’est là qu’arriva le courrier apportant la nouvelle de l’exil de Necker. La Cour s’était donc décidée à ouvrir les hostilités… Et alors Camille Desmoulins, sortant d’un des cafés du Palais-Royal, le café Foy, avec une épée dans une main et un pistolet dans l’autre, monta sur une chaise et lança son appel aux armes. Cassant une branche d’arbre, il prit, comme on sait, une feuille verte pour cocarde et signe de ralliement. Et son cri : Il n’y a pas un moment à perdre :

  1. Voyez les lettres de l’envoyé saxon Salmour, à Stutterheim, du 19 juillet et du 20 août. Archives de Dresde, citées par Flammermont, la Journée du 14 juillet 1789, par Pitra. Publication de la Société de l’Histoire de la Révolution Française, 1892.