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de la maréchaussée, qui avait fait pendre un homme pendant une émeute précédente, et elle menace (comme on l’avait fait à Paris après le 14 juillet) d’en saccager bien d’autres. Après cela la terreur règne dans la haute bourgeoisie pendant quinze jours environ. Mais la bourgeoisie parvient entre temps à organiser la garde nationale, et le 26 septembre elle finit par prendre le dessus sur le peuple sans armes.

En général, il paraît que la fureur du peuple se portait tout autant contre les représentants bourgeois, qui accaparaient les denrées, que contre les seigneurs qui accaparaient la terre. Ainsi, à Amiens, comme à Troyes, le peuple révolté faillit assommer trois négociants, sur quoi la bourgeoisie s’empressa d’armer sa milice. On peut même dire que cette création de milices dans les villes, qui se fit partout en août et septembre n’aurait probablement pas eu lieu si le soulèvement populaire s’était borné aux campagnes et s’était porté seulement contre les seigneurs. Menacée par le peuple dans sa fortune, la bourgeoisie, sans attendre les décisions de l’Assemblée, constitua, à l’image des Trois Cents de Paris, ses municipalités, dans lesquelles, forcément, elle dut admettre des représentants du peuple révolté.

À Cherbourg, le 21 juillet, à Rouen le 24, et dans beaucoup d’autres villes de moindre importance, c’est à peu près la même chose. Le peuple affamé se soulève aux cris : Du pain ! Mort aux accapareurs ! À bas les octrois ! (ce qui signifie : entrée libre des approvisionnements venant de la campagne). Il force la municipalité à réduire le prix du pain, ou bien il s’empare des maga-