Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/151

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sins des accapareurs et en enlève le blé ; il saccage les maisons de ceux qui sont connus pour avoir trafiqué sur les prix des denrées. La bourgeoisie profite de ce mouvement pour mettre bas l’ancien gouvernement municipal, imbu de féodalisme, et pour nommer une nouvelle municipalité, élue sur une base démocratique. En même temps, tirant avantage de la panique produite par le soulèvement du « bas peuple » dans les villes, et des « brigands » dans les campagnes, elle s’arme et organise sa garde municipale. Après quoi elle « rétablit l’ordre », exécute les meneurs populaires et très souvent va rétablir l’ordre dans les campagnes, où elle livre des combats aux paysans et fait pendre, — toujours pendre — les « meneurs » des paysans révoltés.

Après la nuit du 4 août, ces insurrections urbaines se répandent encore plus. Elles éclatent un peu partout. Les taxes, les octrois, les aides, les gabelles ne sont plus payés. Les receveurs de la taille sont aux abois, dit Necker dans son rapport du 7 août. Force a été de réduire de moitié le prix du sel dans deux généralités révoltées ; la perception des « aides » ne se fait plus, — et ainsi de suite. « Une infinité de lieux » est en révolte contre le fisc. Le peuple ne veut plus payer l’impôt indirect ; quant aux impôts directs ils ne sont pas refusés — loin de là ; mais sous condition. En Alsace, par exemple, « le peuple a généralement refusé de rien payer, jusqu’à ce que les exempts et les privilégiés eussent été inscrits sur les rôles ».

C’est ainsi que le peuple, bien avant l’Assemblée, fait la révolution sur les lieux, se donne révolutionnairement une nouvelle administration municipale, distingue