Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/162

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et l’on dansait la ronde autour de l’arbre. Sinon, s’il y avait eu résistance, ou si le seigneur ou son intendant avait appelé la maréchaussée, s’il y avait eu des coups de fusil de tirés, – alors tout était saccagé au château et souvent le feu y était mis. Ainsi on compta trente châteaux pillés ou brûlés dans le Dauphiné, près de quarante dans la Franche-Comté ; soixante-douze dans le Mâconnais et dans le Beaujolais ; neuf seulement en Auvergne ; et douze monastères et cinq châteaux en Viennois. Notons en passant que les paysans ne faisaient pas de distinctions pour les opinions politiques. Ainsi ils attaquèrent des châteaux de « patriotes » aussi bien que ceux des « aristocrates ».


Que fit la bourgeoisie en face de ces émeutes ?

S’il y avait eu à l’Assemblée un certain nombre d’hommes, qui comprenaient que le soulèvement des paysans représentait en ce moment une force révolutionnaire, la masse des bourgeois en province n’y vit qu’un danger contre lequel il fallait s’armer. Ce qu’on nomma alors la « grande peur » saisit en effet un bon nombre de villes dans la région des soulèvements. À Troyes, par exemples, des campagnards armés de faux et de fléaux étaient entrés en ville et ils auraient saccagé probablement les maisons des accapareurs, lorsque la bourgeoisie — « tout ce qu’il y a d’honnête dans la bourgeoisie » (Moniteur, I, 378), s’arma contre « les brigands » et les repoussa. Le même fait se produisit dans beaucoup d’autres villes. La panique saisissait les bourgeois. On attendait « les brigands ». On en avait vu « six mille » s’avançant pour tout saccager —