Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/206

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en saisissant tout chez le paysan, et celui-ci, de son côté, en attendant une répartition plus juste des impôts, ne paie pas ; tandis que le riche, qui hait la Révolution, se garde, avec une joie secrète, de payer quoi que ce soit. Necker, rentré au ministère depuis le 17 juillet 1789, avait beau s’ingénier pour trouver les moyens d’éviter la banqueroute — il n’en trouvait pas. En effet, on ne voit pas trop comment il aurait pu empêcher la banqueroute, à moins de recourir à un emprunt forcé sur les riches ou de mettre la main sur les biens du clergé. Et bientôt la bourgeoisie se résigna à ces mesures, puisqu’elle avait prêté son argent à l’État et ne voulait nullement le perdre dans une banqueroute. Mais le roi, la Cour, le haut clergé accepteraient-ils jamais cette main-mise de l’État sur leurs propriétés ?

Un étrange sentiment devait s’emparer des esprits pendant ces mois d’août et septembre 1789. Voici enfin le vœu de tant d’années d’espérances réalisé. Voici l’Assemblée nationale qui tient en ses mains le pouvoir législatif. Une assemblée qui — elle l’a prouvé — se laisse pénétrer d’un esprit démocratique, réformateur, et la voici réduite à l’impuissance, au ridicule de l’impuissance. Elle fera bien des décrets pour parer à la banqueroute ; mais le roi, la Cour, les princes en refuseront la sanction. Autant dire, des revenants, qui ont encore la force d’étrangler la représentation du peuple français, de paralyser sa volonté, de prolonger à l’infini le provisoire.

Plus encore. Ces revenants préparent un grand coup. Ils font, dans l’entourage du roi, des plans pour son évasion. Le roi se transportera bientôt à Rambouillet, à