Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/213

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royale du 23 juin : « Eh bien, f….., qu’ils restent ! », Marie-Antoinette en fut blessée au cœur. Elle reçut avec un suprême dédain le roi « roturier », portant la cocarde tricolore, au retour de sa visite à Paris le 17 juillet, et dès lors elle était devenue le centre de tous les complots. La correspondance qu’elle entretint plus tard avec Fersen pour amener l’étranger à Paris, tire son origine de ce moment. Car pendant cette nuit même du 5 octobre, lorsque les femmes envahirent le palais — pendant cette même nuit, dit la très réactionnaire madame Campan, la reine recevait Fersen dans sa chambre à coucher.

Le peuple savait tout cela, en partie par les domestiques mêmes du château, et la foule, l’esprit collectif du peuple de Paris, comprenait ce que les individus furent si lents à comprendre : que Marie-Antoinette irait loin dans ses haines ; que, pour empêcher tous ces complots, il fallait tenir le roi et sa famille, et l’Assemblée aussi, à Paris, sous l’œil du peuple.

Aux premiers moments de leur entrée à Versailles, les femmes, rompues de fatigue et affamées, trempées d’eau sous la pluie battante, se bornaient à demander du pain. Lorsqu’elles envahirent l’Assemblée, elles tombèrent de fatigue sur les bancs des députés ; mais rien que par leur présence, ces femmes remportèrent déjà une première victoire. L’Assemblée en profita pour obtenir du roi la sanction de la Déclaration des droits de l’homme.

Après les femmes, des hommes se mettaient aussi en marche, et alors, à sept heures du soir, afin d’éviter quelque malheur au château, Lafayette partit pour Versailles à la tête de la garde nationale.