Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/212

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ont vaincu les armées, en les démoralisant, en paralysant leur force sauvage.

Le 5 octobre, l’insurrection éclatait à Paris aux cris : Du pain ! du pain ! Le son du tambour, battu par une jeune fille, servit de signe de ralliement pour les femmes. Bientôt une troupe de femmes se forme, marche sur l’Hôtel de ville, force les portes de la Maison commune en demandant du pain et des armes, et comme on en parlait déjà depuis plusieurs jours, le cri : À Versailles ! rallie tout le monde. Maillard, connu à Paris dès le 14 juillet pour la part qu’il avait prise au siège de la Bastille, est reconnu comme chef de la colonne, et les femmes partent.

Mille idées diverses se croisaient sans doute dans leurs têtes, mais le pain devait être l’idée dominante. C’est à Versailles que l’on conspirait contre le bonheur du peuple, là qu’on faisait le pacte de famine, là qu’on empêchait l’abolition des droits féodaux — et les femmes marchaient sur Versailles. Il est plus que probable que, dans la masse du peuple, le roi, comme tous les rois, était représenté comme un être bonasse qui voulait le bien du peuple. Le prestige royal était profondément enraciné dans les esprits. Mais déjà en 1789 on haïssait la reine. Les propos que l’on tenait à son égard étaient terribles. « — Où cette s……, coquine ? — La voilà, la s… p…… — Il faut mettre la main sur cette b…… et lui couper le cou », se disaient les femmes, et on est frappé de l’empressement — du plaisir, dirai-je, avec lequel l’enquête du Châtelet releva ces propos. Ici encore le peuple avait mille fois raison. Si le roi avait dit, en apprenant le fiasco de la séance