Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/22

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liberté de l’industrie et du commerce, mais qui signifiait, d’une part, affranchir l’industrie de la surveillance méticuleuse et meurtrière de l’État, et d’autre part, obtenir la liberté d’exploitation du travailleur, privé de libertés. Point d’union de métiers, point de compagnonnages, de jurandes, ni de maîtrises, qui pourraient mettre un frein quelconque à l’exploitation du travailleur salarié ; point de surveillance, non plus, de l’État, qui gênerait l’industriel ; point de douanes intérieures, ni de lois prohibitives. Liberté entière des transactions pour les patrons — et stricte défense des « coalitions » entre travailleurs. « Laisser faire » les uns, et empêcher les autres de se coaliser.

Tel fut le double plan entrevu par la bourgeoisie. Aussi, quand l’occasion se présenta de la réaliser, — forte de son savoir, de la netteté de ses vues, de son habitude des « affaires », la bourgeoisie travailla, sans hésiter ni sur l’ensemble ni sur les détails, à faire passer ses vues dans la législation. Et elle s’y prit avec une énergie consciente et suivie, que le peuple n’a jamais eue, faute d’avoir conçu et élaboré un idéal qu’il eût pu opposer à celui de ces messieurs du Tiers.

Certainement, il serait injuste de dire que la bourgeoisie de 1789 fût guidée exclusivement par des vues étroitement égoïstes. S’il en avait été ainsi, elle n’aurait jamais réussi dans sa tâche. Il faut toujours une pointe d’idéal pour réussir dans les grands changements. Les meilleurs représentants du Tiers-État avaient bu, en effet, à cette source sublime — la philosophie du dix-huitième siècle, qui portait en germe toutes les grandes idées surgies depuis. L’esprit éminemment scientifique