Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/29

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Le même conflit se produisait dans les conceptions sur l’organisation politique de l’État. On le voit surtout dans la lutte qui s’engage entre les préjugés gouvernementaux des démocrates de l’époque et les idées qui se faisaient jour au sein des masses, sur la décentralisation politique et sur le rôle prépondérant que le peuple voulait donner à ses municipalités, à ses sections dans les grandes villes, et aux assemblées de village. De là toute cette série de conflits sanglants qui éclatèrent dans la Convention. Et de là aussi l’incertitude des résultats de la Révolution pour la grande masse du peuple, sauf en ce qui concerne les terres reprises aux seigneurs laïques et religieux et affranchies des droits féodaux.

Mais si les idées du peuple étaient confuses au point de vue positif, elles étaient au contraire très nettes sous certains rapports, dans leurs négations.

D’abord, la haine du pauvre contre toute cette aristocratie oisive, fainéante, perverse qui le dominait, alors que la noire misère régnait dans les villages et les sombres ruelles des grandes villes. Ensuite la haine du clergé, qui appartenait, par ses sympathies, plutôt à l’aristocratie qu’au peuple qui le nourrissait. La haine de toutes les institutions de l’ancien régime qui rendaient la pauvreté encore plus lourde, puisqu’elles refusaient de reconnaître au pauvre les droits humains. La haine du régime féodal et de ses redevances qui tenait le cultivateur dans un état de servitude envers le propriétaire foncier, alors que la servitude personnelle avait cessé d’exister. Et enfin, le désespoir du paysan lorsque, dans ces années de disette, il voyait la terre rester inculte entre les mains du seigneur, ou servant de lieu d’amuse-