Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

manquait dans les industries, et le pain se vendait à des prix de famine. La masse des ouvriers voulait bien patienter, pourvu que l’on travaillât à établir les règnes de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité. Mais puisque cela ne se faisait pas, elle perdait patience. Et le travailleur demandait alors que la Commune de Paris, que la municipalité de Rouen, de Nancy, de Lyon, etc., fissent elles-mêmes des approvisionnements pour vendre le blé au prix de revient. Il demandait que l’on taxât le blé chez les marchands, que l’on fît des lois somptuaires, que les riches fussent taxés d’un impôt forcé et progressif ! Mais alors la bourgeoisie, qui s’était armée dès 1789, alors que les citoyens passifs restaient sans armes, sortait dans la rue, déployait le drapeau rouge, en intimant au peuple l’ordre de se disperser et fusillait les révoltes à bout portant. On le fit à Paris en juillet 1791 et un peu partout dans toute la France.

Et la Révolution s’arrêtait dans sa marche. La royauté se sentait revenir à la vie. Les émigrés se frottaient les mains à Coblentz et à Mitau. Les riches relevaient la tête et se lançaient dans des spéculations effrénées.

Si bien que depuis l’été de 1790 jusqu’à juin 1792, la contre-révolution put se croire triomphante.

Il est tout naturel d’ailleurs qu’une révolution aussi importante que celle qui s’accomplit entre 1789 et 1793 ait eu ses moments d’arrêt et même de recul. Les forces dont disposait l’ancien régime étaient immenses, et, après avoir subi un premier échec, elles devaient bien se reconstituer pour opposer une digue à l’esprit nouveau.

Ainsi la réaction qui se produisit dès les premiers