Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/297

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les intellectuels fut la conservation des propriétés, comme on s’exprimait alors. On voit, en effet, cette question du maintien des propriétés passer comme un fil noir à travers toute la Révolution, jusqu’à la chute des Girondins[1]. Il est même certain que si la République faisait si grand’peur aux bourgeois, et même aux Jacobins ardents (alors que les Cordeliers l’acceptaient volontiers), c’est que chez le peuple l’idée de république se liait avec celle d’égalité, et que celle-ci se traduisait en demandant l’égalité des fortunes et la loi agraire, — formules des niveleurs, des communistes, des expropriateurs, des « anarchistes » de l’époque.

Aussi est-ce surtout pour empêcher le peuple de porter atteinte au principe sacro-saint de la propriété, que la bourgeoisie s’empressa de mettre un frein à la Révolution. Dès octobre 1789, l’Assemblée vota déjà la fameuse loi martiale, qui permit de fusiller les paysans révoltés, et plus tard, en juillet 1791, de massacrer le peuple de Paris. Elle entrava de même l’arrivée à Paris d’hommes du peuple des provinces, pour la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Et elle prit une série de mesures contre les sociétés révolutionnaires locales qui faisaient la force de la Révolution populaire, — au risque de tuer de cette façon ce qui avait été le germe de son propre pouvoir.

En effet, dès les premiers débuts de la Révolution, des milliers d’associations politiques avaient surgi dans toute la France. Ce n’étaient pas seulement les assem-

  1. Marat, seul, avait osé mettre à son journal l’épigraphe suivant : Ut redent miseris abeat fortuna superbis (Que la fortune quitte les riches et revienne aux misérables).