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le souverain ?[1] » Mais depuis lors, la réaction avait gagné beaucoup de terrain, elle en gagnait à vue d’œil.

Dans son grand travail sur l’histoire politique de la Grande Révolution, M. Aulard s’est appliqué à faire ressortir l’opposition que l’idée d’une forme républicaine de gouvernement rencontrait dans la bourgeoisie et chez les « intellectuels » de l’époque, — alors même que les trahisons de la Cour et des monarchistes imposaient déjà la République. En effet, alors qu’en 1789 les révolutionnaires procédaient comme s’ils voulaient se passer entièrement de la royauté, – il se produisit un mouvement décidément monarchiste, parmi ces mêmes révolutionnaires, à mesure que le pouvoir constitutionnel de l’Assemblée s’affermissait[2]. On peut même dire plus. Après les 5 et 6 octobre 1789 et la fuite du roi en juin 1791, chaque fois que le peuple se montrait comme une force révolutionnaire, la bourgeoisie et ses chefs d’opinion devenaient de plus en plus monarchistes.

C’est un fait très important ; mais il ne faut pas oublier, non plus, que l’essentiel pour la bourgeoisie et

  1. Aulard, Histoire politique de la Révolution française, page 72. On trouvera chez Aulard une analyse détaillée de ce qui fut fait par l’Assemblée contre l’esprit démocratique.
  2. Entre autres, on en trouve une trace très intéressante dans les lettres de madame Jullien (de la Drôme). « Je me suis donc guérie de ma fièvre romaine, qui pourtant ne l’a jamais fait donner dans le républicanisme par la crainte de la guerre civile. Je me renferme avec les animaux de toute espèce dans l’arche sacrée de la Constitution… » « On est encore un peu huronne quand on est spartiate ou romaine à Paris ». Ailleurs elle demande à son fils : « Conte-moi si les Jacobins sont devenus Feuillants. » (Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution, publié par Édouard Lockroy. Paris, 1881. 2e éd., pp. 31, 32, 35.)