Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/299

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consolide chaque jour », écrivait le monarchiste Mallet du Pan en juin 1790. Et il disait vrai. Trois mois plus tard, la contre-révolution se sentait déjà si puissante, qu’elle jonchait de cadavres les rues de Nancy.

Au début, l’esprit de la Révolution avait peu touché l’armée, composée à cette époque de mercenaires, en partie étrangers, — allemands et suisses. Il y pénétrait cependant peu à peu. La fête de la Fédération, à laquelle des délégués des soldats furent invités à prendre part, comme citoyens, y contribua de son côté, et dans le courant du mois d’août il se produisit un peu partout et surtout dans les garnisons de l’Est, une série de mouvements parmi les soldats. Ils voulaient forcer leurs officiers à rendre compte des sommes qui avaient passé par leurs mains et à restituer celles qu’ils avaient soustraites aux soldats. Ces sommes étaient énormes : elles se montaient jusqu’à plus de 240.000 livres dans le régiment de Beauce, à 100.000, et même jusqu’à deux millions dans d’autres garnisons. L’effervescence allait en grandissant ; mais, comme on pouvait s’y attendre avec des hommes abrutis par un long service, une partie d’entre eux restait attachée aux officiers, et les contre-révolutionnaires profitèrent de cette division pour provoquer des conflits et des bagarres sanglantes entre les soldats eux-mêmes. Ainsi, à Lille, quatre régiments se battaient entre eux — les royalistes contre les patriotes — et laissaient sur place cinquante tués et blessés.

Il est fort probable que, les conspirations royalistes ayant redoublé d’activité depuis la fin de 1789, surtout parmi les officiers de l’armée de l’Est commandée par Bouillé, il entrait dans les plans des conspirateurs de