Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/308

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soutenu par une armée allemande, de marcher sur Paris. La capitale une fois reconquise, on sait aujourd’hui au juste ce que les royalistes se proposaient de faire. Ils allaient arrêter tous les « patriotes » : les listes de proscription étaient déjà dressées. Ils allaient exécuter les uns, déporter ou emprisonner les autres ; abolir tous les décrets que l’Assemblée avait votés pour établir la Constitution, ou pour combattre le clergé ; rétablir l’ancien régime avec ses ordres et ses classes ; réintroduire à main armée et au moyen d’exécutions sommaires les dîmes, les droits féodaux, les droits de chasse et toutes les redevances féodales de l’ancien régime.

Tel était le plan des royalistes : ils ne s’en cachaient même pas, — « Attendez, Messieurs les patriotes », disaient-ils à qui voulait les entendre ; « bientôt on vous fera payer vos crimes. »

Le peuple, nous l’avons dit, déjoua ce plan. Le roi, arrêté à Varennes, fut ramené à Paris, et placé sous la surveillance des patriotes des faubourgs.


On aurait cru que maintenant la Révolution allait suivre à pas de géant son développement logique. La trahison du roi une fois prouvée, on allait, n’est-ce pas, proclamer la déchéance, renverser les vieilles institutions féodales, inaugurer la république démocratique ?

Il n’en fut rien. Au contraire, c’est la réaction qui triompha définitivement un mois après la fuite de Varennes, et la bourgeoisie s’empressa de délivrer à la royauté un nouveau brevet d’immunité.

Le peuple avait tout de suite compris la situation. Il était évident qu’on ne pouvait plus laisser le roi sur le