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les suppôts du trône. Les démons de l’aristocratie ont fait preuve d’une habilité infernale. »

Prudhomme disait ouvertement que la nation était trahie par ses représentants et l’armée par ses chefs.

Mais Prudhomme et Desmoulins pouvaient au moins se montrer. Quant à un révolutionnaire populaire, comme Marat, il dut se cacher pendant plusieurs mois, ne sachant quelquefois où trouver un asile pour la nuit. On a très bien dit de lui qu’il plaidait la cause du peuple, la tête sur le billot. Danton, sur le point d’être arrêté, était parti pour Londres.

D’ailleurs, la reine elle-même, dans sa correspondance secrète avec Fersen, par l’intermédiaire duquel elle dirigeait l’invasion et préparait l’entrée des armées allemandes dans la capitale, constatait « un changement bien visible à Paris ». Le peuple, disait-elle, ne lit plus les journaux. « Il n’y a que la cherté du pain qui les occupe et les décrets » écrivait-elle le 31 octobre 1791.

La cherté du pain — et les décrets ! Le pain pour vivre et continuer la révolution — car il en manquait dès octobre ! Et les décrets contre les prêtres et les émigrés, que le roi refusait de sanctionner !

La trahison était partout, et l’on sait aujourd’hui qu’à cette même époque, fin 1791, Dumouriez, le général girondin qui commandait les armées de l’Est, complotait déjà avec le roi. Il lui adressait un mémoire secret sur les moyens d’arrêter la révolution ! On trouva ce mémoire après la prise des Tuileries, dans l’armoire de fer de Louis XVI.