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vait marcher sur Paris, « libérer » le roi, disperser l’Assemblée et châtier les patriotes.

Dans la Lozère, Charrier, notaire, ex-député à l’Assemblée nationale, marié à une demoiselle noble et investi du commandement suprême par le comte d’Artois, organisait ouvertement les milices contre-révolutionnaires et formait même ses artilleurs.

Chambéry, ville du royaume de Sardaigne à cette époque, était un autre centre des émigrés, Bussy y avait même formé une légion royaliste, qu’il exerçait en plein jour. Ainsi s’organisait la contre-révolution dans le Midi, alors que dans l’Ouest les curés et les nobles préparaient le soulèvement de la Vendée avec l’aide de l’Angleterre.

Et qu’on ne nous dise pas que ces conspirateurs et ces rassemblements étaient peu nombreux. C’est que les révolutionnaires aussi, — ceux du moins qui étaient décidés à agir, — n’étaient pas nombreux non plus. Dans chaque parti, de tout temps, les hommes d’action furent une infime minorité. Mais grâce à l’inertie, aux préjugés, aux intérêts acquis, à l’argent et à la religion, la contre-révolution tenait des régions entières ; et c’est cette force terrible de la réaction — et non pas l’esprit sanguinaire des révolutionnaires — qui explique les fureurs de la Révolution en 1793 et 1794, lorsqu’elle dut faire un effort suprême pour se dégager des bras qui l’étouffaient.

Les adhérents de Claude Allier, prêts à prendre les armes, se montaient-ils à 60.000 hommes, comme il l’affirmait lors de la visite qu’il fit à Coblentz en janvier 1792, il est permis d’en douter. Mais ce qui est cer-