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des petits propriétaires fonciers, des gens de loi, des suppôts de la chicane. »

Au lendemain de la prise de la Bastille, il eût été aisé aux représentants du peuple « de suspendre de toutes leurs fonctions le despote et ses agents », écrit plus loin Marat. « Mais pour cela il fallait qu’ils eussent les vues et des vertus. » Quant au peuple, au lieu de s’armer complètement, il souffrit qu’une partie seule des citoyens le fût (dans la garde nationale, composée de citoyens actifs). Et loin d’attaquer les ennemis de la Révolution sans délai, il a renoncé lui-même à ses avantages en se tenant sur la défensive.

« Aujourd’hui, dit Marat, après trois ans de discours éternels des sociétés patriotiques et un déluge d’écrits… le peuple est plus éloigné de sentir ce qu’il lui convient de faire pour résister à ses oppresseurs, qu’il ne l’était le premier jour de la Révolution. Alors il s’abandonnait à son instinct naturel, au simple bon sens qui lui avait fait trouver le vrai moyen de mettre à la raison ses implacables ennemis… Maintenant, le voilà enchaîné au nom des lois, tyrannisé au nom de la justice ; le voilà constitutionnellement esclave. »

On dirait que c’est écrit d’hier, si ce n’était tiré du no 657 de l’Ami du Peuple.

Un découragement profond s’empare donc de Marat à la vue de la situation, et il ne voit qu’une issue : « quelques accès de fureur civique » de la part de la plèbe, comme aux 13 et 14 juillet, aux 5 et 6 octobre 1789. Le désespoir le ronge, jusqu’au jour où l’arrivée des fédérés, venus à Paris des départements, lui inspire la confiance.