Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/379

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Cependant on arrive au 10 août. Le peuple de Paris, dans ses sections, s’empare du mouvement. Il nomme révolutionnairement son Conseil de la Commune pour donner de l’ensemble au soulèvement. Il chasse le roi des Tuileries, se rend maître, de haute lutte, du château, et la Commune enferme le roi dans la tour du Temple. Mais l’Assemblée législative reste, et elle devient bientôt le centre de ralliement des éléments royalistes.

Les bourgeois propriétaires perçoivent du coup la nouvelle tournure populaire, égalitaire, prise par le soulèvement, et ils se cramponnent d’autant plus à la royauté. Mille plans sont mis alors en circulation pour décerner la couronne, soit au Dauphin (c’eût été fait si la régence de Marie-Antoinette n’eût inspiré tant de dégoût), soit à tout autre prétendant, français ou étranger. Il se produit, comme après la fuite de Varennes, une recrudescence de sentiments favorables à la royauté, et, alors que le peuple demande à hauts cris que l’on se prononce nettement contre la royauté, l’Assemblée, comme toute assemblée de politiciens parlementaires, dans l’incertitude du régime qui prendra le dessus, se garde bien de se compromettre. Elle penche plutôt pour

    De ce conflit, de cette lutte, doit résulter un événement : la liberté ou l’esclavage de vingt-cinq millions d’hommes. » (p. 211). Et plus loin : « La déchéance du roi, demandée par la majorité et rejetée par la minorité qui domine l’Assemblée, occasionnera le choc affreux qui se prépare. Le Sénat n’aura pas l’audace de la prononcer, et le peuple n’aura pas la lâcheté de souffrir le mépris qu’on fait de l’opinion publique. » Et lorsque l’Assemblée acquitte Lafayette, madame Jullien fait cette prophétie : « Mais tout cela nous achemine vers une catastrophe qui fait frémir les amis de l’humanité ; car il pleuvra du sang, je n’exagère point. » (p. 213).