Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/394

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Dès que les massacres commencèrent à l’Abbaye, et l’on sait qu’ils commencèrent vers deux heures et demie (Mon agonie de trente-huit heures, par Jourgniac de Saint-Méard), la Commune prit immédiatement des mesures pour les empêcher. Elle en avertit tout de suite l’Assemblée, qui nomma des commissaires pour parler au peuple[1], et à la séance du conseil général de la Commune qui s’ouvrit dans l’après-midi, le procureur Manuel rendait déjà compte, vers six heures, de ses efforts infructueux pour arrêter les massacres. « Il dit que les efforts des douze commissaires de l’Assemblée nationale, les siens, et ceux de ses collègues du corps municipal ont été infructueux pour sauver les criminels de la mort. » Dans sa séance du soir, la Commune recevait le rapport de ses commissaires envoyés à la Force,

    « Nous avons principalement mis sous notre protection mademoiselle de Tourzel et madame Sainte-Brice… Pour notre propre sûreté nous nous sommes retirés, car on nous menaçait aussi. Nous avons conduit ces deux dames à la section des Droits de l’Homme en attendant qu’on les juge. » (Buchez et Roux, XVII, 353.) Ces paroles de Truchot sont absolument confirmées, puisqu’on sait, par le récit de Pauline de Tourzel, avec quelle difficulté le commissaire de la Commune (elle ne le connaissait pas et parlait d’un inconnu) réussit à lui faire traverser les rues aux alentours de la prison, remplies de monde qui veillait à ce qu’on n’enlevât aucun des prisonniers. Madame de Lamballe, aussi, allait être sauvée, par Pétion, mais le doute plane sur les forces qui s’y opposèrent. On parle d’émissaires du duc d’Orléans, qui voulait sa mort ; on donne même des noms. Ce qui est certain, c’est que tant de personnes influentes étaient intéressées à ce que cette confidente de la reine (depuis l’affaire du collier) ne parlât, que l’impossibilité de la sauver n’a rien qui nous étonne.

  1. Bazire, Dussaulx, François de Neufchâteau, le fameux Girondin Isnard, Laquinio, étaient de ce nombre. Bazire invita Chabot, aimé des faubourgs, à se joindre à eux. (Louis Blanc, II, 19.)