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et décidait qu’ils s’y transporteraient de nouveau, pour calmer les esprits[1].

La Commune avait même ordonné, dans la nuit du 2 au 3, à Santerre, commandant de la garde nationale, d’envoyer des détachements pour arrêter les massacres. Mais la garde nationale ne voulait pas intervenir. Autrement, il est évident qu’au moins les bataillons des sections modérées auraient marché. Évidemment, l’opinion s’était formée à Paris, que faire marcher l’armée contre les attroupements, c’eût été allumer une guerre civile, au moment même où l’ennemi était à quelques jours de marche, et où l’union était surtout nécessaire. « On vous divise ; on sème la haine ; on veut allumer la guerre civile », disait l’Assemblée dans sa proclamation du 3 septembre, en invitant tous les citoyens à rester unis. Dans la circonstance, il n’y avait d’autre arme que la persuasion. Mais, aux exhortations des envoyés de la Commune qui voulaient empêcher les massacres, un des hommes du peuple à l’Abbaye répondit très justement en demandant à Manuel, si ces gueux de Prussiens et d’Autrichiens, venus à Paris, chercheraient à distinguer

  1. Procès-verbaux de la Commune, cités par Buchez et Roux, XVII, 368. Tallien, dans son rapport à l’Assemblée, qui fut fait plus tard pendant la nuit, confirmait les paroles de Manuel : « Le procureur de la Commune, disait-il, s’est présenté le premier [à l’Abbaye] et a employé tous les moyens que lui suggérait son zèle et son humanité. Il ne put rien gagner et vit tomber à ses pieds plusieurs victimes. Lui-même a couru des dangers, et on a été obligé de l’enlever, dans la crainte qu’il ne soit victime de son zèle. » À minuit, lorsque le peuple se fut porté vers la Force, « nos commissaires, dit Tallien, s’y sont transportés et n’ont pu rien gagner. Des députations se sont succédé et lorsque nous sommes partis pour nous rendre ici, une nouvelle députation allait encore s’y rendre. »