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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/453

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les Girondins des Montagnards. On ne voyait qu’une querelle personnelle entre Brissot et Robespierre. Madame Jullien, par exemple, une vraie Montagnarde de sentiment, en appelle, dans ses lettres, aux deux rivaux pour cesser leur lutte fratricide. Mais c’était déjà une lutte de deux principes opposés : le parti de l’ordre, et le parti de la Révolution.

Le peuple, à une époque de lutte, et plus tard les historiens aussi, aiment à personnifier chaque conflit dans deux rivaux. C’est plus court, plus commode dans la conversation, et c’est aussi plus « roman », plus « drame ». C’est pourquoi la lutte de ces deux partis fut souvent représentée comme le choc de deux ambitions, celle de Brissot et celle de Robespierre. Comme toujours, les deux héros dans lesquels le peuple a personnifié le conflit sont bien choisis. Ils sont typiques. Mais, en réalité, Robespierre ne fut pas aussi égalitaire dans ses principes que le fut la Montagne au moment de la chute des Girondins. Il appartenait au groupe modéré. En mars et mai 1793, il comprit, sans doute, que s’il voulait le triomphe de la Révolution commencée, il ne devait pas se séparer de ceux qui demandaient des mesures d’expropriation, et c’est ce qu’il fait, — quitte à guillotiner plus tard l’aile gauche, les hébertistes, et écraser les « Enragés ». Brissot, d’autre part, ne fut pas toujours un homme d’ordre. Mais, malgré ces nuances, les deux hommes personnifiaient très bien les deux partis.


Une lutte à mort devait nécessairement s’engager entre le parti de l’ordre bourgeois et celui de la révolution populaire.