Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/454

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Les Girondins, arrivés au pouvoir, voulaient que tout rentrât dans l’ordre ; que la révolution, avec ses procédés révolutionnaires, cessât dès qu’ils tenaient le gouvernail. Plus de tumulte dans la rue ; tout se fera désormais sur les ordres des ministres, nommés par un parlement docile.

Quant aux Montagnards, ils voulaient que la révolution aboutît à des changements qui modifieraient réellement la situation de la France : celle des paysans (plus des deux tiers de la population), et celle des gens miséreux dans les villes ; des changements qui rendraient impossible le retour vers un passé royal et féodal.

Un jour, d’ici un an, deux ans, la révolution s’apaiserait ; le peuple, épuisé, rentrerait dans ses cabanes et ses taudis ; les émigrés reviendraient ; les prêtres, les nobles reprendraient le dessus. Eh bien, il fallait qu’à ce moment-là, ils trouvassent tout changé en France : la terre en d’autres mains, déjà arrosée de la sueur de son nouveau possesseur, et ce possesseur, se considérant lui-même non comme un intrus, mais comme ayant droit de creuser le sillon sur cette terre et de la moissonner. Toute la France transformée dans ses mœurs, ses habitudes, son langage, — une terre où chacun se considérerait comme l’égal de n’importe qui, du moment qu’il manie la charrue, la bêche, ou l’outil. Pour cela, il fallait que la révolution continuât, dût-elle passer sur le corps de la plupart de ceux que le peuple avait nommés ses représentants, en les envoyant à la Convention.

Nécessairement, ce devait être une lutte à mort. Car, il ne faut pas l’oublier : hommes d’ordre, hommes de gouvernement, les Girondins considéraient néanmoins