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le tribunal révolutionnaire et la guillotine comme un des rouages les plus efficaces du gouvernement.

Déjà, le 24 octobre 1792, lorsque Brissot lança son premier pamphlet, dans lequel il demandait un coup d’État contre « les désorganisateurs », « les anarchistes », et « la roche tarpéïenne » pour Robespierre[1] ; déjà, du jour (le 29 octobre) où Louvet prononçait son discours d’accusation, dans lequel il demandait la tête de Robespierre, les Girondins suspendaient le couperet de la guillotine sur les têtes « des niveleurs, des fauteurs de désordre, des anarchistes », qui avaient eu l’audace de se ranger avec le peuple de Paris et sa Commune révolutionnaire[2].

Et depuis ce jour-là, les Girondins ne cessent pas de diriger leurs efforts pour envoyer les Montagnards à la guillotine. Le 21 mars 1793, lorsqu’on apprend la défaite de Dumouriez à Neerwinden, et que Marat vient accuser de trahison ce général, ami des Girondins, ils manquent de l’écharper à la Convention ; il n’est sauvé que par sa froide audace. Trois semaines plus tard (le 12 avril), ils reviennent à la charge et finissent par

  1. « Trois révolutions étaient nécessaires pour sauver la France ; la première a renversé le despotisme ; la seconde anéantit la royauté ; la troisième doit abattre l’anarchie ! et c’est à cette dernière révolution que, depuis le 11 août, j’ai consacré ma plume et tous mes efforts… » J. P. Brissot, député à la Convention Nationale. À tous les républicains de France, sur la Société des Jacobins de Paris, pamphlet daté du 24 octobre 1792.)
  2. Louvet ne se dissimulait pas le vrai sens de sa « Robespierride ». Lorsqu’il vit que le coup monté par lui et ses amis avait raté, et que la Convention n’avait pas fait mettre Robespierre en accusation, il dit, en rentrant, à sa femme Lodoïska : « Il faut de loin nous tenir prêts à l’échafaud ou à l’exil. » Il le dit dans ses Mémoires (p. 74). Il sentit que l’arme qu’il dirigeait contre les Montagnards se tournait contre lui.