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ainsi que celle de Dubois. On appela la troupe, et rue Mêlée et rue Grenelle « on fit une horrible boucherie de ces malheureux, qui ne se défendaient même pas ». Dubois s’enfuit de Paris. — « Le peuple se serait fait lui-même justice », disent les Deux Amis de la Liberté.

Plus tard encore, en octobre 1788, lorsque le parlement, exilé à Troyes, fut rappelé, « les clercs et la populace » faisaient plusieurs soirées de suite des illuminations sur la place Dauphine. Ils demandaient de l’argent aux passants, pour brûler des feux d’artifice. Ils forçaient les messieurs de descendre de voiture et de saluer la statue d’Henri IV. Ils brûlaient des poupées représentant Calonne, Breteuil, la duchesse de Polignac. Il fut aussi question de brûler la reine en effigie. Peu à peu ces rassemblements se répandirent dans d’autres quartiers, et on envoya la troupe pour les disperser. Il y eut du sang versé et beaucoup de tués et de blessés, place de Grève ; mais comme c’étaient les juges du parlement qui jugeaient les personnes arrêtées, elles s’en tirèrent avec des peines légères.

Ainsi se réveillait et se propageait l’esprit révolutionnaire aux approches de la grande Révolution[1]. L’initiative venait certainement de la bourgeoisie, — surtout de la petite bourgeoisie ; mais, généralement parlant, les bourgeois évitaient de se compromettre, et le nombre de ceux d’entre eux qui, avant la convocation des États généraux, surent résister plus ou moins ouvertement à la Cour, fut très restreint. S’il n’y avait eu que leurs rares

  1. Voyez pour de plus amples renseignements, Félix Roquain, L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution, Paris, 1878.