Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/513

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ront des révolutionnaires bourgeois, pour marcher là où ceux-ci ne pourront les suivre sans cesser d’être bourgeois ; ou bien cette séparation ne se fera pas, et alors ce ne sera pas une révolution.

De nos jours même on sent tout le tragique de la situation qui se présentait aux républicains à cette date. Aux abords du 31 mai, il ne s’agissait plus d’un roi, parjure et traître. C’était à d’anciens compagnons de lutte qu’il fallait déclarer la guerre. Car, sans cela, la réaction commençait dès juin 1793, alors que l’œuvre principale de la Révolution — la destruction du régime féodal et des principes de royauté de droit divin, — était à peine commencée. Ou bien, proscrire les républicains girondins, qui jusqu’alors avaient bravement donné l’assaut au despotisme, mais qui maintenant disaient au peuple : « Tu n’iras pas plus loin ! » Ou bien soulever le peuple pour les éliminer, leur passer sur le corps, pour essayer d’achever l’œuvre commencée.

Cette situation tragique se révèle très bien dans le pamphlet de Brissot, À ses commettants, daté du 26 mai, dont nous avons déjà parlé.

On ne peut lire, en effet, ces pages sans sentir qu’il y va d’une question de vie ou de mort. Brissot joue sa tête en lançant ce pamphlet où il s’acharne à demander la guillotine pour ceux qu’il appelle les anarchistes. Après l’apparition de cet écrit, il ne restait plus que deux issues : ou bien les «anarchistes» se laisseraient guillotiner par les Girondins, ce qui ouvrait la porte aux royalistes ; ou bien les Girondins seraient chassés de la Convention, et alors c’étaient eux qui devaient périr.

Il est évident que les Montagnards ne se décidè-