Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/514

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rent pas d’un cœur léger à faire appel à l’émeute, pour forcer la Convention à rejeter de son sein les principaux meneurs de la droite. Pendant plus de six mois ils avaient essayé d’arriver à une entente quelconque. Danton, surtout, s’appliquait à négocier un compromis. Robespierre travailla, de son côté, à paralyser les Girondins « parlementairement », sans recourir à la force. Marat lui-même maîtrisait ses colères afin d’éviter la guerre civile. On parvint de cette façon à retarder la séparation. Mais à quel prix ! La Révolution était arrêtée. Rien ne se faisait plus pour consolider ce qu’elle avait déjà acquis. On vivait au jour le jour.

Dans les provinces, l’ancien régime avait gardé toute sa force. Les classes privilégiées guettaient le moment de ressaisir les fortunes et les places, de rétablir la royauté et les droits féodaux que la loi n’avait pas encore annulés. Au premier échec des armées, l’ancien régime rentrait victorieux. Dans le Midi, le Sud-Ouest, l’Ouest, la masse était toujours aux prêtres, au pape et par eux à la royauté. Il est vrai qu’une grande quantité de terres enlevées au clergé et aux ex-nobles avait déjà passé dans les mains de la bourgeoisie, grande et petite, ainsi que des paysans. Les redevances féodales n’étaient ni rachetées ni payées. Mais c’était toujours le provisoire. Et si demain le peuple, épuisé par la misère et la famine, las de la guerre, rentrait dans ses taudis et laissait faire l’ancien régime, celui-ci ne reviendrait-il pas alors, triomphant, au bout de quelques mois ?

Après la trahison de Dumouriez, la situation à la Convention devint tout à fait intenable. Sentant combien elle était atteinte par cette trahison de son général