Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/539

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Autrefois la terre, toute la terre — les prés, les bois, les terres en friche, ainsi que les terres défrichées — était la propriété des communautés villageoises. Les seigneurs féodaux avaient droit de justice sur les habitants, et la plupart d’entre eux avaient aussi le droit de prélever diverses prestations en travail et en nature sur les habitants (ordinairement, trois journées de travail et divers paiements, ou dons, en nature) ; en échange de quoi ils devaient entretenir des bandes armées pour la défense du territoire contre les invasions et les incursions, soit d’autres seigneurs, soit des étrangers, soit des brigands de la région.

Cependant, peu à peu, avec l’aide du pouvoir militaire qu’ils possédaient, du clergé qui était de partie avec eux, et des légistes, versés dans le droit Romain, qu’ils entretenaient à leurs cours, les seigneurs s’étaient approprié des quantités considérables de terres, en propriété personnelle. Cette appropriation fut très lente, elle prit des siècles pour s’accomplir — tout le moyen-âge ; mais vers la fin du seizième siècle c’était fait. Ils possédaient déjà de larges espaces de terres labourables et de prairies.

Cependant cela ne leur suffisait pas.

À mesure que la population de l’Europe occidentale grandissait, et que la terre acquérait de plus en plus de valeur, les seigneurs, devenus les pairs du roi et protégés par toute l’autorité du roi et de l’Église, commencèrent à convoiter les terre restées en possession des communes de villages. S’emparer de ces terres, par mille moyens et sous mille prétextes, par la force ou la fraude légale, devint chose habituelle aux seizième et dix-septième siècles. C’est alors que l’ordon-