Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/568

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

labourait mal, ses semences étaient mauvaises, ses maigres bêtes, épuisées par le manque de nourriture, ne lui donnaient pas le fumier nécessaire pour amender la terre. D’année en année les récoltes devenaient plus mauvaises. « C’est comme en Russie ! » on est forcé de se le dire à chaque page, lorsqu’on lit les documents et les ouvrages traitant de la France paysanne sous l’ancien régime.

Mais vient la Révolution. La tempête est terrible. Les souffrances occasionnées par la guerre sont inouïes, tragiques. Par moments on aperçoit le gouffre où la France va s’engloutir ! Puis, viennent la réaction du Directoire, les guerres de l’Empire. Arrive enfin la réaction des Bourbons, replacés sur le trône en 1814 par la coalition des rois et des empereurs. Vient avec eux la Terreur blanche, plus terrible encore que la Terreur rouge. Et les superficiels de dire : « Vous voyez bien que les révolutions ne servent à rien ! »

Cependant, il y a deux choses qu’aucune réaction n’a pu changer. La France fut démocratisée par la Révolution à tel point que quiconque a vécu en France ne peut plus vivre dans aucun autre pays de l’Europe, sans se dire : « On voit à chaque pas que la Grande Révolution n’a pas encore passé par ici. » Le paysan, en France, est devenu un homme. Ce n’est plus « la bête sauvage » dont parlait La Bruyère. C’est un être pensant. Tout l’aspect de la France rurale a été changé par la Révolution, et même la Terreur blanche n’a pu faire rentrer le paysan français sous l’ancien régime. Certes il y a encore beaucoup trop de pauvreté dans les villages,