Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/567

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Quel fut l’effet de ces trois grandes mesures, — l’abolition sans rachat des droits féodaux, le retour des terres communales aux communes, et la vente des biens séquestrés chez le clergé et les émigrés ? Comment agirent-elles sur la répartition des propriétés foncières ? La question est débattue jusqu’à présent, et les opinions restent toujours contradictoires. On peut même dire qu’elles varient selon que l’étude de tel ou tel explorateur porte sur telle ou telle autre partie de la France[1].

Cependant un fait domine tous les autres, et celui-ci est absolument certain. La propriété fut subdivisée. Là où la Révolution entraîna les masses, de grandes quantités de terres passèrent aux paysans. Et partout, l’ancienne misère noire, la sombre misère de l’ancien régime commença à disparaître. La famine à l’état chronique, ravageant périodiquement un tiers de la France, n’a plus été connue au dix-neuvième siècle.

Avant la Révolution, la famine frappait régulièrement, chaque année, une partie ou une autre de la France. Les conditions étaient exactement ce qu’elles sont aujourd’hui en Russie. Le paysan avait beau travailler, il ne parvenait pas à avoir du pain d’une récolte à l’autre. Il

  1. Dans la Côte-d’Or, les domaines ecclésiastiques ont été acquis beaucoup plus par les bourgeois que par les paysans. C’est le contraire pour les biens émigrés, qui furent achetés dans la même région surtout par les paysans. Dans le Laonnais, les paysans ont acheté plus de domaines ecclésiastiques que les bourgeois ; et quant aux biens des émigrés, ils se répartirent dans cette même région à peu près également entre les deux groupes. Dans le Nord, les associations de paysans ont beaucoup acheté de terres. (Sagnac, p. 188.)