Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sortes de droits personnels sur ses ex-serfs[1]. Lorsqu’une vieille femme léguait à sa fille un ou deux arbres et quelques vieilles hardes (par exemple, « ma jupe noire, ouatée » — j’ai vu de ces legs), « le noble et généreux seigneur » ou « la noble et généreuse dame du château » prélevait tant et tant sur ce legs. Le paysan payait de même pour le droit de mariage, de baptême et d’enterrement ; il payait aussi sur chaque vente et achat qu’il opérait, et son droit de vendre ses récoltes ou son vin était limité : il ne fallait pas vendre avant le seigneur. Enfin, toute sorte de péages, — pour l’usage du moulin, du pressoir, du four banal, du lavoir, de telle route, de tel gué, s’étaient conservés depuis les temps du servage, ainsi que des redevances en noisettes, champignons, toile, fil, considérées autrefois comme dons « de joyeux avènemen t».

Quant aux corvées obligatoires, elles variaient à l’infini : travaux dans les champs du seigneur, travaux dans ses parcs, ses jardins, travaux pour satisfaire toute sorte de fantaisies… Dans quelques villages il y avait même l’obligation de battre l’étang pendant la nuit, afin que les grenouilles n’empêchent pas le seigneur de dormir.

  1. Dans une excellente brochure, Les fléaux de l’agriculture, ouvrage pour servir à l’appui des cahiers de Doléances des Campagnes, par D…, 10 avril 1789, on trouve cet exposé des causes qui empêchaient l’agriculture de se développer, — notamment les impôts immenses, les dîmes « solites » et « insolites », toujours croissantes, les excès du gibier par abus de privilèges de chasse, et les vexations et abus des justices seigneuriales. On y voit que « c’est par le moyen des justices attachées aux fiefs, que les seigneurs se sont rendus despotes, et tiennent les habitants des campagnes dans les chaînes de l’esclavage » (p.95)