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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/61

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Personnellement l’homme s’était affranchi ; mais tout ce tissu de redevances et d’exactions qui s’était constitué peu à peu, par la ruse des seigneurs et de leurs intendants, pendant les siècles que le servage avait duré, – tout ce tissu continuait à envelopper le paysan. En plus de cela, l’État était là avec ses impôts, ses tailles, ses vingtièmes, ses corvées toujours grandissantes ; et l’État, tout comme l’intendant du seigneur, était toujours en train d’exercer son imagination pour trouver quelque nouveau prétexte et quelque nouvelle forme d’imposition.

Il est vrai que, depuis les réformes de Turgot, les paysans avaient cessé de payer certaines taxes féodales, et quelques gouverneurs de province se refusaient même à recourir à la force pour lever certaines redevances qu’ils considéraient comme des exactions nuisibles. Mais les grosses redevances féodales, rattachées à la terre, devaient être payées en entier ; et elles devenaient d’autant plus lourdes que les impôts de l’État et de la province, qui s’y ajoutaient, allaient toujours en croissant. Aussi n’y a-t-il pas un mot d’exagération dans les sombres tableaux de la vie des villages que nous donne chaque historien de la Révolution. Mais il n’y a pas non plus d’exagération quand on nous dit que dans chaque village il y avait quelques paysans qui se créaient une certaine prospérité, et que ceux-ci étaient surtout désireux de secouer toutes les obligations féodales et de conquérir les libertés individuelles. Les deux types représentés par Erckmann-Chatrian dans l’Histoire d’un paysan — celui du bourgeois du village et celui du paysan écrasé sous le fardeau de la misère — sont