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droits on s’entendit assez facilement, tout en évitant ce qui pouvait servir d’encouragement aux « Enragés ». Ainsi Robespierre prononça, le 24 avril, un long discours, qui était, comme l’a fait ressortit M. Aulard[1], certainement teinté vaguement de ce que nous appelons « socialisme ». Il fallait, disait-il, déclarer que « le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui ; qu’il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables » ; et que « tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral. » Il demandait aussi que l’on proclame le droit au travail, sous une forme d’ailleurs très anodine : « La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler[2] ».

  1. Histoire politique, p. 291.
  2. « Âmes de boue qui n’estimez que l’or, » disait Robespierre ce jour-là, en s’adressant évidemment aux Girondins et au Marais, « je ne veux point toucher à vos trésors, quelque impure qu’en soit la source. Vous devez savoir que cette loi agraire, dont vous avez tant parlé, n’est qu’un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles… Il s’agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l’opulence… Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété… » Et il proposait d’introduire dans la Déclaration des droits les quatre articles suivants : « La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. — Le droit de propriété est borné, comme les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui. — Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables. — Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral ». Voyez James Guillaume, « Les quatre déclarations des droits de l’homme » (Études révolutionnaires, 1ère série, Paris, 1908, p. 380 et suivantes.)