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mes travaux antérieurs[1] à la conclusion qu’une quantité d’émeutes avaient éclaté dans les villages dès janvier 1789, et même dès décembre 1788. Dans certaines provinces, la situation était terrible à cause de la disette, et partout un esprit de révolte, peu connu jusqu’alors, s’emparait des populations. Au printemps, les révoltes devinrent de plus en plus fréquentes, en Poitou, Bretagne, Touraine, Orléanais, Normandie, Île-de-France, Picardie, Champagne, Alsace, Bourgogne, Nivernais, Auvergne, Languedoc et Provence.

Presque toutes ces émeutes avaient le même caractère. Les paysans, armés de couteaux, de faux, de gourdins, accouraient en ville ; ils forçaient les laboureurs et les fermiers qui avaient apporté des grains au marché à les vendre à un certain prix « honnête » (par exemple, 3 livres le boisseau) ; ou bien, ils allaient cherché le blé chez les marchands de blé, et « se le partageaient à prix réduit », en promettant de le payer dès que la prochaine récolte serait faite ; ailleurs ils obligeaient le seigneur à renoncer pendant deux mois à son droit sur les farines ; ou bien ils forçaient la municipalité à taxer le pain, et quelquefois « à augmenter de quatre sous la journée de travail ». Là où la famine était plus terrible, les ouvriers de la ville (à Thiers, par exemple) allaient ramasser du blé dans les campagnes. Souvent, on forçait les greniers des communautés reli-

  1. La Grande Révolution, brochure, Paris, 1890 ; The Great French Revolution and its Lesson, article anniversaire dans la revue anglaise Nineteenth Century, juin 1889. Articles sur la Révolution dans La Révolte de 1899.