Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des campagnes, répandu à Chartres). Bref, l’agitation dans les campagnes était telle, dit Chassin, — et il a certainement, mieux que tout autre, étudié cet aspect de la Révolution, — l’agitation était telle, qu’alors même que Paris eût été vaincu le 14 juillet, il n’était plus possible de retourner les campagnes dans l’état où elles avaient été en janvier 1789. Il eût fallu faire la conquête de chaque village séparément. Dès le mois de mars personne ne payait plus les redevances (p. 167 et suivantes).

On comprend l’importance de cette fermentation profonde dans les campagnes. Si la bourgeoisie instruite profite des conflits de la Cour et des parlements pour réveiller l’agitation politique ; si elle travaille activement à semer le mécontentement, c’est toujours l’insurrection paysanne, gagnant aussi les villes, qui fait le vrai fond de la Révolution ; elle qui inspire aux députés du Tiers la résolution qu’ils vont bientôt exprimer à Versailles, — de réformer tout le régime gouvernemental de la France et de commencer une révolution profonde dans la distribution des richesses.

Sans le soulèvement des paysans qui commença en hiver et alla, avec ses flux et reflux, jusqu’en 1793, le renversement du despotisme royal n’aurait jamais été accompli si complètement ; jamais il n’aurait été accompagné d’un si profond changement politique, économique et social. La France aurait bien eu un parlement, comme la Prusse en eut un, pour rire, en 1848, — mais cette innovation n’aurait pas pris le caractère d’une révolution : elle serait restée superficielle, comme elle le fut après 1848 dans les États allemands.