Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/704

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pagnie des Indes avait été falsifiée en effet, mais par un autre représentant, Delaunay. La pièce existe encore aux archives, et depuis que Michelet l’a découverte, on sait que le faux est de l’écriture de Delaunay ; mais comme l’accusateur public du tribunal révolutionnaire, Fouquier-Tinville — l’homme du Comité de sûreté générale — ne permit pas de produire la pièce, ni avant ni pendant le procès, Fabre périt comme faussaire, alors que le gouvernement voulait simplement se débarrasser d’un homme dangereux. Robespierre se garda bien d’intervenir[1].

Trois mois plus tard, Fabre d’Églantine fut exécuté, ainsi que Chabot, Delaunay, l’abbé d’Espagnac et les deux frères Frey, banquiers autrichiens.

  1. L’affaire était compliquée. Les royalistes avaient à leur service un homme très habile, le baron de Batz, qui, par son courage et son habileté à se soustraire aux poursuites, avait acquis une réputation presque légendaire. Ce baron de Batz, après avoir longtemps travaillé pour l’évasion de Marie-Antoinette, entreprit d’inciter quelques membres de la Convention à se faire de grandes fortunes en s’occupant d’agiotage, avec de l’argent qui serait fourni par l’abbé Espagnac. Il réunit un jour dans sa maison Julien (de Toulouse), Delaunay, Bazire (Dantoniste), ainsi que le banquier Benoît, le poète Laharpe, et la comtesse de Beaufort, maîtresse de Julien. Chabot, le prêtre défroqué qui avait été un moment un favori du peuple, mais qui s’était marié depuis à une Autrichienne, sœur du banquier Frey, était de la partie. D’autre part on chercha à séduire Fabre et l’on gagna Delaunay à une affaire qui concernait la Compagnie des Indes. On attaqua cette Compagnie à la Convention, qui ordonna de procéder à la liquidation de la Compagnie par les commissaires spéciaux, et confia la rédaction du décret à Delaunay. Le projet du décret fut signé par Fabre qui y fit quelques corrections au crayon. Mais d’autres corrections, avantageuses pour la Compagnie, furent faites ensuite sur ce même projet de décret, à l’encre, par Delannay, et, sans que ce projet fût jamais discuté à la Convention, on fit passer le projet pour le décret même.