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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/720

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Après avoir accusé Fabre de pousser à l’indulgence pour cacher ses crimes, il ajoute :

« Le moment sans doute était favorable pour prêcher une doctrine lâche et pusillanime, même à des hommes bien intentionnés, lorsque tous les ennemis de la liberté poussaient à un excès contraire ; lorsqu’une philosophie vénale et prostituée à la tyrannie oubliait les trônes pour les autels, opposait la religion au patriotisme[1], mettait la morale en contradiction avec elle-même, confondait la cause du culte avec celle du despotisme, les catholiques avec les conspirateurs, et voulait forcer le peuple à voir dans la révolution, non le triomphe de la vertu, mais celui de l’athéisme, non la source de son bonheur, mais la destruction de ses idées morales et religieuses ».

On voit bien par ces extraits que, si Robespierre, en effet, n’avait pas la largeur de vues et l’audace de pensée nécessaires pour devenir un « chef de parti » pendant une révolution, il possédait en perfection l’art de manier les moyens par lesquels on soulève une assemblée contre telle ou telle personne. Chaque phrase de cet acte d’accusation est une flèche empoisonnée qui porte.

Ce qui nous frappe surtout, c’est que Robespierre et ses amis ne voient pas le rôle que leur font jouer les « modérantistes », tant qu’ils ne les croient pas encore mûrs pour être renversés. « Il existe un système d’amener le peuple à niveler tout », lui écrit son frère, de Lyon ; « si on n’y prend garde tout se désorganisera. » Et Maximilien Robespierre ne dépasse pas cette concep-

  1. On verra, au contraire, chez Aulard, Le culte de la Raison et le Culte de l’Être suprême, combien le mouvement de déchristianisation était lié au patriotisme.