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ce cortège, qui marchait, Bailly en tête, dans les rues de Versailles. Des soldats volontaires étaient venus s’offrir pour monter la garde autour d’eux. L’enthousiasme de cette foule, qui les enveloppait, emportait les députés.

Arrivés dans la salle du Jeu de Paume, émus et saisis d’un beau mouvement, ils prêtèrent, tous, sauf un seul, le serment solennel de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France.

Ce n’étaient sans doute que des paroles. Il y avait même quelque chose de théâtral dans ce serment. Peu importe ! Il y a des moments où il faut de ces paroles qui fassent vibrer les cœurs. Et le serment prêté dans la salle du Jeu de Paume vit vibrer les cœurs de la jeunesse révolutionnaire dans toute la France. Malheur aux assemblées qui ne sauront même pas trouver ces paroles, ce geste !

D’ailleurs, cet acte de courage de l’Assemblée eut tout de suite ses conséquences. Deux jours plus tard, les députés du Tiers, forcés à se rendre à l’église Saint-Louis pour y siéger, virent le clergé venir à eux pour s’associer à leurs travaux.

Le grand coup de la séance royale fut frappé le lendemain, le 23 juin ; mais son effet avait été déjà amorti par le serment du Jeu de Paume et la séance à l’église Saint-Louis. Le roi se présenta devant les députés. Il cassa tous les arrêtés de l’Assemblée, ou plutôt du Tiers-État. Il ordonna le maintien des ordres ; il détermina les limites des réformes à accomplir ; il menaça les États-Généraux de dissolution, s’ils n’obéissaient pas. Et pour le moment, il ordonna aux députés de se séparer, — sur quoi la noblesse et le clergé obéirent et quittèrent la