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salle. Mais les députés du Tiers gardèrent leurs sièges. Et c’est alors que Mirabeau prononça le beau et fameux discours dans lequel il leur dit que le roi n’était que leur mandataire ; qu’eux tenaient leur autorité du peuple ; et qu’ayant prêté leur serment, ils ne pouvaient se séparer qu’après avoir fait la Constitution. « Étant ici par la volonté du peuple, ils n’en sortiraient que par la force des baïonnettes. »

Or, c’était précisément la force que la Cour ne possédait plus. Déjà au mois de février, Necker avait dit fort justement qu’il n’y avait plus d’obéissance nulle part et qu’on n’était pas même sûr des troupes.

Quant au peuple de Paris, on avait vu, au 27 avril, quelles étaient ses dispositions. D’un moment à l’autre on craignait à Paris un soulèvement général du peuple contre les riches, et quelques révolutionnaires ardents ne manquèrent certainement pas d’aller dans les sombres faubourgs y chercher du renfort contre la Cour. À Versailles même, à la veille de la séance royale, le peuple faillit assommer un député du clergé, l’abbé Maury, ainsi que d’Espremesnil, un député du Tiers, qui était passé du côté de la noblesse. Le jour de la séance royale, le garde des sceaux et l’archevêque de Paris furent tellement « hués, honnis, conspués, bafoués, à périr de honte et de rage, » que le secrétaire du roi, Passeret, qui accompagnait le ministre, « en meurt de saisissement, le jour même. » Le 24, l’évêque de Beauvais est presque assommé d’une pierre à la tête. Le 25 juin, la foule a sifflé les députés de la noblesse et du clergé. Toutes les vitres ont été brisées dans le palais de l’archevêque de Paris. « Les troupes refuseraient de tirer