Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/86

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Telle est la version usuelle, que l’on répète dans les fêtes de la République. Cependant elle n’est exacte qu’à demi. Vraie dans le sec énoncé des principaux faits, elle ne dit pas ce qu’il faut dire sur le rôle du peuple dans le soulèvement, ni sur les vrais rapports entre les deux éléments du mouvement : le peuple et la bourgeoisie. Car, dans le soulèvement de Paris, aux environs du 14 juillet, il y eut, comme dans toute la Révolution, deux courants séparés, d’origine diverse : le mouvement politique de la bourgeoisie et le mouvement populaire. Les deux se donnaient la main à certains moments, aux grandes journées de la Révolution, pour une alliance temporaire, et remportaient les grandes victoires sur l’ancien régime. Mais la bourgeoisie se méfiait toujours de son allié du jour — le peuple. C’est aussi ce qui se produisit en juillet 1789. L’alliance fut conclue à contrecœur par la bourgeoisie, et celle-ci s’empressa aussi, dès le lendemain du 14, et même pendant le mouvement, de s’organiser pour tenir en bride le peuple révolté.

Depuis l’affaire Réveillon, le peuple de Paris, affamé et voyant le pain lui manquer de plus en plus, cherchait à se soulever. Mais, ne se sentant pas appuyé, même par ceux de la bourgeoisie que la lutte contre l’autorité royale avait mis en vedette, il ne faisait que ronger son frein. Mais voici que le parti de la Cour, réuni autour de la reine et des princes, se décide à frapper un grand coup pour en finir avec l’Assemblée et la fermentation populaire à Paris. Ils massent les troupes, dont ils excitent l’attachement au roi et à la reine ; ils préparent ouvertement un coup d’État contre l’Assemblée et contre Paris. Alors, l’As-