Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

semblée, se sentant menacée, laisse faire ceux de ses membres et de ses amis à Paris qui voulaient « l’appel au peuple », c’est-à-dire l’appel à l’insurrection populaire. Et comme le peuple des faubourgs ne demande pas mieux, il répond à l’appel. Il n’attend pas le renvoi de Necker, mais il commence à se soulever, déjà le 8 juillet et même le 27 juin. Alors la bourgeoisie en profite et, poussant le peuple à l’insurrection ouverte, elle le laisse s’armer, en même temps qu’elle s’arme elle-même pour maîtriser le flot populaire et l’empêcher d’aller « trop loin ». L’insurrection montant toujours, la poussée populaire s’empare — contre la volonté des bourgeois – de la Bastille, emblème et appui du pouvoir royal ; sur quoi la bourgeoisie, ayant entre temps organisé sa milice, s’empresse de faire rentrer les « hommes à piques » dans l’ordre.

C’est ce double mouvement qu’il s’agit de raconter.

Nous avons vu que la séance royale du 23 juin avait pour objet de déclarer aux États-Généraux qu’ils n’étaient pas la puissance qu’ils voulaient être : que le pouvoir absolu du roi restait ; que les États-Généraux n’avaient rien à y changer[1] et que les deux ordres privilégiés, la noblesse et le clergé, établiraient eux-mêmes quelles concessions ils jugeraient utiles de faire pour une répartition plus juste des impôts. Les bienfaits qui allaient être accordés au peuple viendraient alors du roi en per-

  1. Le projet primitif de Necker attribuait à l’Assemblée le droit de pousser la Révolution jusqu’à l’établissement d’une charte, imitée de l’anglais, dit Louis Blanc : « On se hâta d’excepter de toute délibération commune la forme de constitution à donner aux prochains États Généraux. » (Histoire de la Révolution française, édition in-4o, t. I, p.120.)