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peuple savait qu’à Paris et dans ses alentours il y avait assez de pain pour nourrir tout le monde, — et les pauvres se disaient que sans une insurrection, les accapareurs ne cesseraient jamais d’affamer le peuple.

Cependant, à mesure que les pauvres grondaient plus fort dans les sombres carrefours, la bourgeoisie parisienne et les représentants du peuple à Versailles redoutaient l’émeute de plus en plus. Plutôt le roi et la Cour, que le peuple en révolte[1] ! Le jour même de la réunion des trois ordres, le 27 juin, après la première victoire du Tiers, Mirabeau, qui jusqu’alors en appelait au peuple, s’en sépara nettement et parla pour en séparer les représentants. Il les avertit de se garder des « auxiliaires séditieux ». C’est déjà, on le voit, le programme futur de la Gironde qui se dessine à l’Assemblée. Mirabeau veut que celle-ci contribue « au maintien de l’ordre, à la tranquillité publique, à l’autorité des lois et de leurs ministres ». Il va même plus loin. Il veut qu’elle se rallie au roi, car celui-ci veut le bien ; s’il lui arrivait de faire le mal, c’est qu’il était trompé et mal conseillé !

Sur quoi, l’Assemblée d’applaudir. — « La vérité, dit très bien Louis Blanc, est que, loin de prétendre à

  1. Ceux qui font aujourd’hui les discours anniversaires de la Révolution préfèrent se taire sur ce sujet délicat et nous parlent d’une unanimité touchante qui aurait existé entre le peuple et ses représentants. Mais Louis Blanc avait déjà très bien souligné les peurs de la bourgeoisie aux approches du 14 juillet, et les recherches modernes ne font que confirmer ce point de vue. Les faits que je mentionne ici, concernant les journées du 2 au 12 juillet, montrent aussi que l’insurrection du peuple de Paris suivit, jusqu’au 12, sa ligne de conduite, indépendante des bourgeois du Tiers.