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Page:Kropotkine - La Guerre, 1912.djvu/14

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exigent et obtiennent des actionnaires — car il faut bien de la discrétion quand on paie 12 millions à M. Un Tel, 250.000 francs à tel ministre, et tant de millions, en plus des décorations, à la presse ! Il n’y a pas, dit « Lysis », un seul grand journal en France qui ne soit payé par les banques. Cela se comprend. On devine aisément ce qu’il fallu distribuer d’argent à la presse, lorsqu’on préparait dans les années 1906 et 1907 la série d’emprunts russes (d’État, des chemins de fer, des banques foncières). Ce qu’il y eut de plumitifs qui mangèrent gras avec ces emprunts, — on le voit par le livre de « Lysis ». Quelle aubaine, en effet ! Le gouvernement d’un grand État aux abois ! Une révolution à écraser ! Cela ne se rencontre pas tous les jours !

Eh bien ! tout le monde sait cela, plus ou moins. Il n’y a pas un seul homme politique qui ne connaisse les dessous de tous ces tripotages, et qui n’entende nommer à Paris les femmes et les hommes qui ont « touché » les grosses sommes après chaque emprunt, grand ou petit, russe ou brésilien.

Et chacun, s’il a seulement la moindre connaissance des affaires, sait aussi parfaitement combien toute cette organisation de la haute finance est un produit de l’État, — un attribut essentiel de l’État.

Et ce serait cet État, — l’État dont on se garde bien de diminuer les pouvoirs ou de réduire les attributions, — qui dans la pensée des réformateurs étatistes, devrait devenir l’instrument d’affranchissement des masses ?! Allons donc !

Que ce soit par bêtise, ou ignorance, ou fourberie de l’affirmer, — toutes les trois explications sont impardonnables.