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Chapitre II


ANNEXION ET COLONISATION DE LA PROVINCE DE L’AMOUR. — UN TYPHON. — EN MISSION À PÉTERSBOURG.


Voyant qu’il n’y avait plus rien à faire en fait de réformes à Tchita, j’acceptai avec plaisir l’offre de visiter l’Amour pendant l’été de 1863.

L’immense domaine qui s’étend sur la rive gauche, c’est-à-dire septentrionale de l’Amour et le long de la côte du Pacifique, en descendant vers le sud jusqu’à la baie de Pierre le Grand (Vladivostok) avait été annexé à la Russie par Nicolas Mouraviev, presque malgré la volonté des autorités de Pétersbourg, — en tout cas, sans leur appui. Lorsqu’il conçut le plan hardi de prendre possession du grand fleuve, dont la situation méridionale et les rives fertiles attiraient toujours les sibériens depuis deux siècles ; et lorsque, à la veille de jour où le Japon devait s’ouvrir aux Européens, il résolut de prendre pour la Russie une forte position sur la côte du Pacifique et de donner la main aux États-Unis, il eut presque tout le monde contre lui à Pétersbourg : le ministère de la guerre n’avait pas d’hommes à sa disposition, le ministre des finances n’avait pas de crédits pour les annexions, et surtout le ministre des affaires étrangères presque toujours guidé par la préoccupation d’éviter les