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Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/310

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étaient furieux et combattaient à Montmartre comme des lions... « et il tomba à genoux devant elle »... et cela dura quatre jours. Nous savions que Gallifet faisait fusiller tous les prisonniers, et la lutte était d’autant plus terrible », et il continuait ainsi — tout en levant rapidement les caractères dans les cases.

Ce n’était que le soir très tard que Guillaume quittait sa blouse de travail et que nous pouvions sortir et consacrer quelques heures à une causerie amicale ; car il reprenait ensuite son travail en sa qualité de rédacteur du Bulletin de la Fédération Jurassienne.

A Neuchâtel, je fis aussi la connaissance de Malon. Il était né dans une famille de paysans et avait été berger dans son enfance. Plus tard, il vint à Paris, y apprit un métier, celui de vannier, et, comme le relieur Varlin et le charpentier Pindy, avec lesquels il s’était affilié à l’Internationale, il était arrivé à se faire connaître comme un des esprits dirigeants de l’Association, quand celle-ci fut poursuivie par Napoléon III, en 1869. Tous les trois avaient su gagner les cœurs des ouvriers parisiens et quand l’insurrection de la Commune éclata, ils furent membres du Conseil de la Commune avec un nombre de voix considérable. Malon fut aussi maire d’un des arrondissements de Paris. Maintenant, il gagnait sa vie en Suisse comme vannier. Il avait loué pour quelques sous par mois une petite échoppe ouverte en dehors de la ville, sur le penchant d’une colline, d’où il jouissait, tout en travaillant, d’une vue magnifique sur le lac de Neuchâtel. Le soir, il écrivait des lettres, un livre sur la Commune, de courts récits pour les journaux ouvriers — et c’est ainsi qu’il devint écrivain. J’allais le voir tous les jours pour entendre ce que ce Communard au large visage et un peu poétique, avait à me raconter sur l’insurrection dans laquelle il avait joué un rôle prépondérant et qu’il a décrite dans un livre intitulé : La troisième défaite du prolétariat français.

Un matin que j’avais monté la colline, il m’accueillit