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Chapitre II


MON TRANSFERT À LA MAISON DE DÉTENTION. — MA MALADIE. — À L’HÔPITAL MILITAIRE. — PLANS DE FUITE. — MON ÉVASION. — VOYAGE À L’ÉTRANGER.


Deux années s’étaient écoulées. Plusieurs de mes camarades étaient morts, quelques-uns étaient devenus fous, mais il n’était pas encore question de juger notre affaire.

Ma santé était déjà ébranlée avant la fin de la seconde année. A présent le tabouret de chêne paraissait lourd à mon bras et les sept kilomètres me semblaient une distance sans fin. Comme nous étions près de soixante dans la forteresse et que les journées d’hiver étaient courtes, on ne nous faisait sortir pour la promenade dans la cour que pendant vingt minutes tous les trois jours. Je faisais de mon mieux pour garder toute mon énergie, mais « l’hivernage polaire » sans l’interruption de l’été avait raison de moi. J’avais rapporté de mes voyages en Sibérie de légers symptômes de scorbut qui se développaient maintenant plus sérieusement dans l’obscurité et l’humidité de la casemate ; le fléau des prisons m’avait atteint.

Au mois de mars ou d’avril 1876, nous fûmes enfin informés que la Troisième Section avait terminé son enquête préliminaire. Le dossier de l’affaire avait été