Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/412

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j’avais traduit avec mon frère la Philosophie de la Géologie de Page, et les Principes de la Biologie, d’Herbert Spencer. Mais je l’avais appris dans les livres, et je le prononçais très mal, de sorte que j’éprouvais la plus grande difficulté à me faire comprendre de ma propriétaire écossaise ; sa fille et moi avions l’habitude d’écrire sur des bouts de papier ce que nous avions à nous dire, et comme je n’avais pas idée « de l’anglais idiomatique », je devais faire les fautes les plus amusantes. Je me souviens notamment d’une histoire de tasse de thé où mon ignorance de la langue dut me faire passer pour un glouton auprès de ma propriétaire. Mais je dois dire, pour ma défense, que je n’avais jamais trouvé dans les livres de géologie que je lisais en anglais, ni dans la Biologie de Spencer, la moindre allusion à cet important sujet qu’est une tasse de thé.

Je fis venir de Russie le Bulletin de la Société russe de géographie, et aussitôt je commençai à envoyer au Times quelques articles sur les explorations géographiques des Russes. Prjévalski était, à cette époque, dans l’Asie centrale, et en Angleterre on s’intéressait à son voyage.

Cependant, l’argent que j’avais apporté avec moi disparaissait rapidement, et, comme toutes les lettres que j’envoyais en Russie étaient interceptées, je ne pouvais réussir à faire connaître mon adresse à mes parents. Je partis donc au bout de quelques semaines pour Londres, pensant que je pourrais y trouver une occupation plus régulière. Le vieux réfugié, P. L. Lavrov, continuait à Londres la publication de son journal : En avant ; mais comme j’espérais retourner en Russie et que les bureaux de ce journal russe devaient être étroitement surveillés par des espions, je n’y allai pas.

Je me rendis naturellement au bureau de rédaction de la Nature, où je reçus un cordial accueil de son sous-directeur, Mr. J. Scotte Keltie. L’éditeur désirait donner plus de place dans son journal aux courtes Notes, et il trouvait que je les écrivais exactement comme on les désirait. On m’assigna donc dans les bureaux une table sur