Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/417

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des chemins de fer par l’État et à la monopolisation des banques et de la vente des alcools. L’exploitation du sol par l’État, la socialisation des grandes industries et même des moyens de consommation viendraient ensuite, dans un avenir plus ou moins éloigné.

Peu à peu toute la vie et toute l’activité de la social-démocratie allemande furent subordonnées à des considérations électorales. On traitait avec dédain les syndicats ouvriers et on désapprouvait les grèves, parce que les uns et les autres détournaient l’attention des ouvriers des luttes électorales. Tout mouvement populaire, toute agitation révolutionnaire dans un pays quelconque de l’Europe était accueilli par les chefs du parti social-démocrate avec plus d’animosité encore que par la presse capitaliste.

Dans les pays latins, cependant, cette tendance nouvelle ne trouvait que peu de partisans. Les sections et fédérations de l’Internationale restaient fidèles aux principes qui avaient présidé à la fondation de l’Association. Fédéralistes par leur passé historique, hostiles à l’idée d’un gouvernement centralisé et en possession de traditions révolutionnaires, les ouvriers de race latine ne pouvaient suivre l’évolution qui s’opérait chez les Allemands.

La scission entre les deux branches du mouvement socialiste devint apparente aussitôt après la guerre franco-allemande. L’Internationale avait créé, comme je l’ai déjà dit, une organisation centrale, sous la forme d’un conseil général résidant à Londres ; et les esprits directeurs de ce conseil étant deux Allemands, Engels et Marx, le conseil devint la citadelle de la nouvelle tendance des social-démocrates ; tandis que les fédérations latines recevaient leur inspiration de Bakounine et de ses amis.

Le conflit entre les marxistes et les bakouninistes ne fut pas une affaire personnelle. Ce fut le conflit nécessaire entre les principes de fédéralisme et les principes de centralisation, entre la Commune libre et le gouvernement