Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/465

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fait de nouveau « le Libérateur » , et la jeunesse aurait répété une fois de plus les paroles de Herzen : « Tu as vaincu, Galiléen. » Mais, de même que le despote s’était éveillé en lui pendant l’insurrection de Pologne et qu’inspiré par Katkov, il avait eu recours à la pendaison, de même, maintenant, suivant les conseils de ce même Katkov, véritable génie du mal, il n’avait pas trouvé autre chose à faire que de nommer des gouverneurs militaires extraordinaires — pour pendre.

Alors, mais alors seulement, une poignée de révolutionnaires — le Comité Exécutif — soutenu, je dois le dire, par le mécontentement croissant des classes cultivées et même de quelques personnages de l’entourage immédiat du tsar, déclara à l’absolutisme cette guerre, qui, après plusieurs tentatives, aboutit en 1881 à la mort d’Alexandre II.

Il y avait deux hommes, je l’ai déjà dit, dans Alexandre II, et maintenant le conflit entre ces deux côtés de sa nature, conflit qui n’avait fait que s’accentuer pendant toute sa vie, prenait un caractère véritablement tragique. Quand il fut assailli par Soloviov, qui tira sur lui et le manqua de son premier coup, il eut la présence d’esprit de courir vers la porte la plus proche, non en droite ligne, mais en zigzags, pendant que Soloviov continuait de faire feu ; il échappa ainsi à la mort et s’en tira avec une éraflure à son manteau. Le jour de sa mort, il donna une nouvelle preuve de son incontestable courage. En face d’un danger réel, il était courageux ; mais il ne cessa de trembler devant les fantômes enfantés par son imagination.

Un jour il tira sur un aide de camp, parce que celui-ci avait fait un brusque mouvement et qu’Alexandre avait cru qu’il voulait attenter à sa vie. C’est seulement parce qu’il craignait d’être assassiné, qu’il abandonnait entièrement le pouvoir impérial aux mains de ces gens qui se souciaient si peu de lui et ne tenaient qu’à leurs fonctions lucratives.

Il avait certainement gardé de l’attachement pour la