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Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/101

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ture exigeant du travail humain a vu réduire la surface qui y était consacrée ; et en quarante ans, depuis 1861, plus d'un tiers des travailleurs agricoles sont allés grossir dans les villes l'armée des sans-travail[1], de sorte que, loin d'être surpeuplées, les campagnes de la Grande-Bretagne « meurent affamées de travail humain, » selon l'expression de James Caird. La nation anglaise ne travaille pas son sol ; on l'empêche de le faire ; et de prétendus économistes se plaignent que le sol ne nourisse pas ses habitants !

Je mis un jour sac au dos et partis à pied de Londres pour traverser le Sussex. J'avais lu l'ouvrage de Léonce de Lavergne et je m'attendais à trouver un sol cultivé avec le plus grand soin. Mais ni dans les environs de Londres ni moins encore en m'avançant plus au sud je ne vis d'hommes dans les champs. Dans le Weald je pus parcourir trente kilomètres sans apercevoir autre chose que des bruyères et des bois, loués pour tirer le faisan par des « gentlemen de Londres », comme disaient les cultivateurs. « Sol ingrat », telle fut ma première pensée ; mais il arrivait que, au croisement de deux routes, une ferme se présentait à moi, et je voyais ce même sol porter une riche moisson. Alors le dicton des paysans français me revenait à l'esprit : Tel seigneur, telle terre.

  1. Fermiers et ouvriers agricoles (Angleterre et Pays de Galles) : 2.100.000 en 1861 ; 1.311.720 en 1891 ; 1,184.000 en 1901.