Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/240

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merci du marchand ou du patron, et le patron est à la merci du marchand en gros. Ouvriers et patrons sont exposés à devenir les esclaves de ce dernier en s'endettant envers lui.

Dans quelques-unes des petites industries, notamment dans la fabrication des tissus unis, les ouvriers sont dans une misère épouvantable. Mais ceux qui prétendent qu'une telle misère est la règle générale sont complètement dans l'erreur. Quiconque a vécu, par exemple, parmi les horlogers de la Suisse et connaît leur vie de famille, reconnaîtra que la condition de ces ouvriers est incomparablement supérieure à tout point de vue, matériel ou moral, à la condition de millions d'ouvriers de la grande industrie. Même pendant une crise de l'horlogerie, comme celle qu'ils traversèrent de 1876 à 1880, leur condition fut meilleure que ne l'est celle des ouvriers de fabriques, quand une crise éclate dans l'industrie des laines ou du coton. On n'a qu'à se souvenir de la « cotton famine » de Manchester. Les ouvriers, d'ailleurs, s'en rendent parfaitement compte.

Chaque fois qu'une crise se déchaîne dans une petite industrie quelconque, il ne manque pas de prophètes de malheur pour prédire que cette industrie est condamnée à disparaître. Pendant la crise que je pus observer en 1877 parmi les horlogers suisses, il n'était question dans la presse que de l'impossibilité où ils étaient de jamais se